À la suite de la donation du manoir Sabrevois par Mgr Taché aux Jésuites , ces derniers lui donnent une nouvelle désignation. « Villa La Broquerie » est choisie pour honorer la mémoire de la mère et de l’oncle de Mgr Taché, respectivement Louise-Henriette Boucher de La Broquerie et Joseph-Antonin Boucher de La Broquerie.
De 1888 à 1912, ce sont des Jésuites en formation qui séjournent à la villa La Broquerie la première quinzaine du mois de juillet et les jeudis entre mai et octobre.
La villa La Broquerie est choisie pour plusieurs raisons. En effet, dans le document « La villa La Broquerie », le R.P. Archambault, s.j. explique :
« Il y avait d’abord cette solitude nécessaire. Il y avait aussi un parc : de vastes champs s’étendaient derrière la maison. Il y avait enfin les cellules, puis des salles pour les exercices communs, et même une petite chapelle, humble, mais convenable. Le manoir, en effet, intact dans ses vieux murs et sa forte charpente - c’eût été un crime de les faire disparaître, et grâce à Dieu, ils existent encore - s’était augmenté d’une première allonge en 1833 et d’une seconde en 1889. On y logeait une soixantaine de scolastiques. Chacun n’y avait pas sa chambre. Mais les dortoirs comprenaient des petites alcôves séparées par des rideaux ou des cloisons de bois qui pouvaient servir de cellule. À ces avantages réels, la maison de Boucherville en ajoutait un autre que nous avons signalé et qui dans l’occurrence était des plus précieux : sa proximité de Montréal […]. »
La Compagnie de Jésus est un ordre religieux fondé par Ignace de Loyola dont la formation est approuvée par le pape Paul III en 1540.
Dans le contexte des grandes découvertes et de conversion des peuples au catholicisme, les Jésuites arrivent en Nouvelle-France en 1625. Ils s’établissent d’abord à Québec. L’apostolat est une facette importante de la vie des Jésuites en plus de l’enseignement qui fait partie de leur mission religieuse.
Au Canada, les premiers essais de retraites fermées ont lieu en 1909 au noviciat du Sault-au-Récollet. Considérant le succès de l’activité, on recherche un lieu pour la mise en place des retraites fermées. Selon le R.P. Archambault, s.j. fondateur du mouvement des retraites fermées, certaines conditions sont nécessaires à la mise sur pied d’un lieu de retraite. Le lieu doit favoriser la solitude. Le bâtiment doit donc être situé dans un grand parc et pouvoir être aménagé pour que l’on y trouve une cellule pour chaque retraitant.
En 1910, considérant les qualités du lieu, la communauté décide de faire de la villa La Broquerie une maison pour les retraites fermées. Elles y ont lieu de 1910 à 1913, puis de 1922 à 1951. Afin que le bâtiment réponde à ses nouvelles fonctions, des aménagements sont réalisés. Le père Archambault affirme que :
« [l]es réparations les plus urgentes furent faites sur-le-champ et le 29 mai 1910 le premier groupe de retraitants entrait à la Broquerie ».
Au cours de la première année, on accueille 174 retraitants. Puis, en 1911, c’est 258 personnes qui se rendent à la villa La Broquerie. Le succès de l’activité se confirme alors qu’en 1913 on compte 363 retraitants. Paradoxalement, le succès des retraites fermées à Boucherville a pour conséquence l’abandon du lieu de retraite. En effet, « [p]oussé par ce flot progressif, il fallut songer à émigrer » affirme le père Archambault.
Les Jésuites décident de faire construire un nouveau lieu de retraite plus grand et plus moderne. Il s’agit de la villa Saint-Martin, située à l’Abord-à-Plouffe sur l’île Jésus. La villa La Broquerie est alors abandonnée. Le père Archambault, s.j. déplore que :
« le vieux manoir s’enveloppa d’ombres et de tristesse; les promenades du jeudi furent interrompues, les lézardes apparurent, les galeries s’affaissaient, minées par les intempéries ».
La décision semble justifiée puisqu’en 1914 on reçoit 840 personnes à la villa Saint-Martin. Le succès des retraites ne se tarit pas et, en 1921, on y accueille 2018 retraitants. La villa Saint-Martin ne répond plus à la demande et ne peut plus accueillir toutes les personnes. Ainsi, les Jésuites rouvrent la villa La Broquerie.
À l’initiative du R.P. Samuel Bellavance, s.j. et avec l’accord du père Filiatrault, s.j. la réouverture de la villa La Broquerie prend forme. Le père Archambault affirme que :
« Cette heureuse nouvelle était à peine annoncée que déjà toutes les semaines se trouvaient retenues. »
La remise en fonction de La Broquerie implique la rénovation des bâtiments. Le père Bellavance, s.j. rédige une lettre circulaire et fait appel à la contribution des anciens retraitants pour recueillir les fonds nécessaires. Des travaux de rénovation sont alors réalisés sur le bâtiment, mentionnons des réparations, constructions, couvertures, chambres, galeries, etc.
Les Jésuites doivent aussi prévoir l’achat de meubles et fournitures nécessaires à la vie quotidienne à la villa, telles que la literie et un pôle de cuisine. Grâce aux dons de plusieurs, 13 mois après le début des retraites, les frais reliés à la remise sur pied des retraites fermées sont couverts.
La réouverture de La Broquerie comme lieu de retraite fermée est effectuée le 14 mai 1922. Les premiers retraitants sont de l’École normale Jacques-Cartier. La première année de la réouverture, 387 personnes séjournent à La Broquerie.
Un bon nombre de représentants de professions libérales effectuent une retraite à la villa de Boucherville. En 1910, les groupes qui s’inscrivent aux retraites de Boucherville sont dans l’ordre : les médecins de la promotion de 1910, les prêtres directeurs des Ligues du Sacré-Cœur, des membres de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française, des ouvriers, des instituteurs, des avocats et notaires, des présidents de conférence de Saint-Vincent de Paul. Comme en témoignent les listes de participants aux retraites fermées entre 1925 et 1931 à la villa La Broquerie, plusieurs groupes proviennent du milieu scolaire, associatif et religieux.
En 1951, à la fermeture de la villa en tant que lieu de retraites, on souligne le passage de personnes marquantes à La Broquerie : le cardinal Rodrigue Villeneuve, le Me commandeur Alphonse Desjardins et le frère Marie-Victorin.
Les retraites se poursuivent jusqu’au début des années 1950, mais tout comme en 1913, la villa ne semble plus répondre aux besoins des retraites fermées. En 1950, la villa La Broquerie achète un terrain et finance une nouvelle construction dédiée aux retraites fermées à Jacques-Cartier, Longueuil. Ainsi, on transfère l’œuvre des retraites fermées de la villa La Broquerie à la villa Saint-René-Goupil.
Les dernières retraites ont lieu à la villa La Broquerie à la fin de l’année scolaire du mois de juin 1951. La dernière retraite d’hommes a cours du 29 juin au 2 juillet 1951. La première retraite à la villa Saint-René-Goupil débute le 28 septembre 1951.
De 1959 à 1962, les Pères Salésiens louent la villa La Broquerie pour y enseigner. En 1962, ils déménagent à Sherbrooke, car la villa est devenue vétuste et trop petite pour loger les prêtres et 72 étudiants. Ainsi est fondé le Séminaire Salésien de Boucherville à Sherbrooke.