Au 19e siècle, le manoir ou le « Château Sabrevois » est erronément désigné comme le premier manoir seigneurial de Pierre Boucher construit en 1668.
L’origine de cette attribution erronée réside dans les travaux du notaire Louis-Adolphe Huguet-Latour (1821-1904). En effet, Huguet-Latour semble mal interpréter une inscription faite au registre de Boucherville de 1670.
Extrait du registre :
« L’an de N.S. 1670 le vingt et un jour du mois de décembre, en la chapelle du Fort Saint-Louis, j’ay baptisé, faisant les fonctions de curé en la paroisse du Fort Saint-Louis, un enfant nay du 5ième dudit mois, légitimement de Jean Palardeau et de Jeanne Le Roy mariés ensemble en la dite paroisse. Son nom, Louis, Parrain Jacques de Chambly Seigneur du fort St-Louis, marraine, Jeanne Barbier Pierre de Chaumont, ptre miss. »
Aujourd’hui, nous comprenons que le prêtre missionnaire Pierre de Chaumont baptise un enfant le 21 décembre 1670 dans la paroisse du fort Saint-Louis. Le fort Saint-Louis étant situé à Chambly. Toutefois, il semblerait que, puisque l’information est notée dans les registres de Boucherville, Louis-Adolphe Huguet-Latour en déduit que le baptême a lieu à Boucherville à l’emplacement du manoir Sabrevois.
Dans l’Annuaire de Ville-Marie en 1878, ouvrage historique qu’il rédige, Huguet-Latour affirme que Pierre Boucher a fait bâtir un premier manoir, une chapelle et des redoutes au confluent de la rivière Sabrevois et du fleuve Saint-Laurent.
Toujours selon Huguet-Latour, c’est dans un deuxième temps que Pierre Boucher aurait fait construire un deuxième manoir, cette fois à l’intérieur du bourg en 1671.
Ainsi naît l’idée erronée que le fort Saint-Louis serait situé à Boucherville.
La première personne à émettre des doutes quant à la validité de l’information est le journaliste Montarville Boucher de La Bruère.
En 1938, l’homme, qui est aussi un descendant du fondateur de Boucherville, trouve anormal que Pierre Boucher dépense une somme importante pour la construction d’un manoir, d’une chapelle, de redoutes et de dépendances sur un site pour y résider seulement trois ou quatre ans.
Il est difficile de comprendre pourquoi Pierre Boucher aurait fait construire son premier manoir et une chapelle à cette distance de la bourgade. Une bourgade est un petit bourg, une petite agglomération d’habitations.
À cette période, une palissade est érigée autour du village dans l’objectif de le protéger d’éventuelles attaques amérindiennes. De plus, la présence de Pierre Boucher dans la bourgade est bien documentée à partir de 1671.
En 1884, Mgr Taché effectue le don d’une parcelle de terrain à la fabrique de la paroisse Sainte-Famille. Une croix commémorative est érigée entre la villa La Broquerie et le boulevard Marie-Victorin. Lors de l’inauguration, Mgr Taché reprend l’information de l’Annuaire de Ville-Marie, bien qu’il s’agisse de la seule mention d’un fort Saint-Louis à Boucherville.
Sur la photographie du monument prise vers 1920, on peut constater que la croix comprend des erreurs historiques :
En 1964, un projet de centre historique et culturel d’envergure sur le site de l’actuel Parc historique La Broquerie est proposé par un groupe d’hommes d’affaires de Boucherville, « l’équipe des 21 ». Le projet est nommé la « Seigneurie Pierre-Boucher » et consiste en la création d’un centre culturel d’envergure qui comprend la recréation d’un village d’antan. C’est dans ce contexte que la maison dite Louis-Hippolyte-La Fontaine y est déménagée. Toutefois, le projet avorte, notamment pour des raisons financières.
En 1982, l’aménagement du Parc de la Seigneurie inclut la mise en place d’une réplique de la croix commémorative érigée en 1879 par Mgr Taché. Ce projet pose un certain nombre de questions notamment aux yeux des membres de la Société d’histoire des Îles-Percées.
La Société se demande comment être fidèle à l’histoire et à l’intégrité du monument original tout en corrigeant les faits et en donnant les informations qui sont alors acceptées par les historiens.
Il est alors convenu de ne pas inscrire les informations erronées sur le monument et d’informer le public de l’histoire de la croix par écrit à l’intérieur de la maison dite Louis-Hippolyte-La Fontaine.