Dans le contexte des grandes découvertes, des Européens arrivent en Amérique du Nord vers 1500. C’est l’explorateur Jacques Cartier qui prend possession du territoire au nom du roi de France en 1534. Samuel de Champlain, qui établit son habitation à Québec en 1608, est considéré comme le fondateur de la Nouvelle-France.
Le régime seigneurial est implanté en tant que mode de distribution et d’occupation des terres en Nouvelle-France en 1627. C’est la Compagnie des Cent-Associés qui obtient les droits légaux et seigneuriaux en Nouvelle-France. Ainsi, en toute propriété, justice et seigneurie, la Compagnie a le droit de distribuer les terres selon ce qu’elle juge le plus avantageux.
Les terres sont concédées à titre de seigneuries aux personnes les plus influentes de la société, les seigneurs. À leur tour les seigneurs concèdent des portions de terrain à leurs censitaires appelés habitants. Ce système crée des liens entre le seigneur et ses censitaires et favorise les relations entre voisins. Le régime seigneurial est régi par des règles juridiques.
La division des terres en bandes perpendiculaires au fleuve Saint-Laurent, que l’on peut aujourd’hui observer dans le paysage québécois, est un témoin de ce mode de peuplement officiellement aboli en 1854.
La seigneurie des Îles-Percées est concédée à Pierre Boucher, gouverneur de Trois-Rivières, par Jean de Lauzon en 1664. En 1667, Pierre Boucher et d’autres colons qui habitent notamment Trois-Rivières et sa région s’installent à Boucherville. En effet, dès l’automne 1667, Pierre Boucher, fondateur et seigneur de Boucherville, invite des colons à s’installer sur sa terre.
En raison du fait que Pierre Boucher ne dispose pas du titre légal de sa seigneurie, les transactions réalisées entre 1667 et 1673 sont effectuées verbalement ou par billet. Le seigneur de Boucherville obtient un titre légal pour ses terres le 3 novembre 1672. Les concessions du seigneur sont légalisées en avril 1673. En 1673, Pierre Boucher a concédé 37 terres à ses censitaires et prévoit concéder douze arpents de plus pour créer un bourg. Deux terres localisées à l’extérieur du bourg sont accordées à Jean Vinet et à Jean Haudecoeur.
Jacques-Charles Sabrevois, époux de Jeanne Boucher, fille de Pierre Boucher et Jeanne Crevier, achète des sieurs Jean Vinet et de la veuve de Jean Haudecoeur deux terres situées l’une à côté de l’autre. En bordure du fleuve Saint-Laurent, ces terres mesurent environ chacune deux arpents de large sur vingt-cinq de profondeur.
Les actes de vente des terres que Sabrevois achète laissent croire que la propriété de Jean Vinet était déjà aménagée au moment de la vente. On y trouverait une maison de bois, une grange et une étable. La propriété de Haudecœur ne comporterait cependant pas de bâtiment.
La propriété de Jacques-Charles Sabrevois est concédée en arrière-fief en 1697. Un arrière-fief est un fief qui dépend du fief principal. En août 1697, Pierre Boucher reconnaît à sa fille et son gendre un arrière-fief de quatre arpents sur deux lieux. Ces quatre arpents sont situés entre les terres de Louis Ménard, au nord-est, et par celles de Joseph Bénard dit Carignan, au sud-ouest.
Jacques-Charles Sabrevois et sa famille n’occupent pas la terre, mais en font une métairie. Le métayage est une entente entre un propriétaire rural, nommé bailleur, et une personne qui occupe et exploite la terre, soit le métayer. Pour rémunérer le bailleur, le métayer doit partager une partie des récoltes ou produits de son activité avec ce dernier. En Nouvelle-France, une partie de l’exploitation agricole relève de ce principe.
En 1706, une écurie ainsi qu’une bergerie sont construites sur l’arrière-fief Sabrevois. Une entente signée entre Sabrevois et son métayer en 1708 mentionne que le locataire est le maître forgeron Nicolas Doyon. Le document indique aussi que le propriétaire de la métairie fournit à son locataire une forge composée d’un soufflet, d’une enclume, d’un estoc, c’est-à-dire une épée qui sert à piquer, de deux marteaux, d’une meule, d’une petite boutique ou une maison sur le bord du grand chemin.
L’aveu de dénombrement de 1724 permet de savoir qu’entre 1708 et 1724, on ne construit pas de nouveau bâtiment sur le terrain.
Le testament de Pierre Boucher et Jeanne Crevier, notarié par Ant. Adhémar en 1707, indique que les cofondateurs de Boucherville accordent à leurs enfants un arrière-fief de six arpents sur deux lieues de profondeur. Trois de leurs enfants reçoivent des terres de grandeurs différentes. Pour sa part, Jeanne de Sabrevois obtient six arpents, lesquels sont composés de quatre arpents du Sieur Sabrevois en arrière-fief ainsi que deux arpents et huit perches tenus par Joseph Bénard dit Carignan.
Jacques-Charles Sabrevois décède en 1727 et le fief est alors divisé en plusieurs parties.
En 1735, Charles Sabrevois, le fils aîné de Jacques-Charles Sabrevois et de Jeanne Boucher, fait construire une maison de pierre par l’entrepreneur Michel Huet dit Dulude.
Pour construire le manoir, Michel Huet dit Dulude, doit démolir la maison qui se trouve alors sur le terrain. En effet, le contrat daté du 30 septembre 1735 indique que Huet dit Dulude doit :
« bâtir une maison de pierre sur la métairie, démolir la maison qui est déjà sur le site de la nouvelle où il doit construire et tout en gardant les bois de la charpente au profit dudit sieur de Sabrevois ».
Le bâtiment dont la construction s’étend jusqu’en 1736 est alors nommé « Château Sabrevois ». Toutefois, il semble que Charles Sabrevois, célibataire, ne réside pas dans la maison. Son frère cadet, Clément de Sabrevois, sieur de Bleury marié à Charlotte Guichard, est ensuite propriétaire du manoir. Il semble qu’il n’y réside pas non plus puisque ses activités professionnelles ont lieu à Chambly.
En 1779, le seigneur et marchand Clément de Sabrevois de Bleury vend le « Château Sabrevois » à Jacques Lapointe.
Extrait de l’acte de vente daté du 23 mars 1779 :
« Une Terre En Fief de la Contenance de quatre Arpents de front sur Trente arpents de Profondeur située à Boucherville Tenant Pardevant au fleuve Saint Laurent et par derrière audit acquéreur d’un Côté à francois [Bénard] Carignant et de d’autre Coté à antoine [Ménard] Lafontaine avec les maison[s.], Grange, Étable Écuries et autres Bâtiments qui sont Élevés et Construits Sur lad. Terre… ».